Même si vous n’avez jamais vu le film, regardez ci-dessous le fascinant documentaire/making-of Enquête sur un film au-dessus de tout soupçon d’Olivier Guiton (52′ – 1991) sur la construction du décor le plus coûteux du cinéma français : le Pont-Neuf et sa perspective parisienne en plein marais camarguais près de Montpellier, à Lansargues.
8,5 hectares de décor ! 3 ans de tournage ! 5 producteurs différents ! Dépassement de budget x4 ! Depuis Les Amants du Pont-Neuf plus aucun décor construit aussi cher ne sera financé en France.
Vous pouvez lire l’interview du chef décorateur, Michel Vandestien, sur Objectif-Cinéma.
Tous les détails de l’affaire d’un point de vue sociologie/management ? Lisez l’étude d’Isabelle Royer « Escalade de l’engagement : décideurs et responsabilité : étude du cas “Les Amants du Pont Neuf” ». A télécharger en .PDF ici. (lire à partir de la page 7).
Le décor a été finalement brûlé, quelques images ici :
Aujourd’hui, la zone est inondée mais on peut reconnaître l’emplacement du décor sur la vue satellite. A retrouver sur La Carte du Fake !
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Au Musée du Fake nous respectons les droits d’auteurs et ne souhaitons pas diffuser d’oeuvres piratées. Néanmoins n’ayant trouvé aucune trace de cet incroyable documentaire sur les plateformes légales, nous avons inséré un lien YouTube. Si vous êtes détenteur des droits (Magic Films Productions – famille Fechner) contactez-nous : contact’at’museedufake.com
Un groupe de touristes américains débarque à Paris pour visiter la capitale. Pendant ce temps, M. Hulot se rend dans les bureaux d’une grande entreprise pour y passer un entretien, mais finit par se perdre dans l’immensité du bâtiment. Au gré de ses déambulations et de ses rencontres, M. Hulot va se trouver embarqué dans ce Paris ultramoderne où sa route croisera immanquablement celle des Américaines…
A la première vision de PlayTime on se demande où donc a bien pu être tourné le film. A Paris ? Non, plutôt en banlieue, sûrement à la Défense, le quartier des grands immeuble de bureaux. Indice : la tour Initiale qui ressemble le plus à celles du film date de 1966, le tournage ayant commencé en 1964 c’est donc une fausse piste.
En fait, en lisant le livre « PlayTime » de François Ede & Stéphane Goudet on découvre avec étonnement qu’une véritable ville-studio a été construite sur le plateau de Gravelle à Joinville. C’est-à-dire, à l’époque, tout près des Studios de Saint-Maurice (spécialisés dans le tournages de films en versions étrangères avant que le doublage n’existe) et pas loin des Studios de Joinville.
Jacques Tati souhaitait initialement tourner dans de gigantesques décors réels.
« Beaucoup de lieux sont visités pendant la longue période de repérage, notamment l’aéroport Arlanda de Stockholm, les usines allemandes Siemens et AFG et certains lieux considérés comme futuristes à Berlin, Bruxelles, Cologne, Genève, etc. S’ils viennent nourrir sa réflexion, Tati jette son dévolu sur l’aéroport d’Orly, dont la construction et l’inauguration par Charles de Gaulle le 24 février 1961 ont marqué les esprits. « Nous nous sommes rendu compte, en demandant les autorisations de tournage, qu’on pouvait bien aller à Orly pour tourner quelques plans, mais qu’il n’était nullement question d’y tourner toute une séquence, car on ne peut pas arrêter le trafic aérien pendant des semaines sous prétexte que Tati a décidé de faire un film. » Après avoir refusé plusieurs propositions, comme celle de tirer parti de la construction du futur quartier de la Défense, aux portes de Paris, Tati se résout à créer ses propres studios, d’une ampleur encore jamais vue, rapidement baptisés « Tativille » par les journalistes. »
La construction de « Tativille »
« Pensée par Tati et dessinée par l’architecte Eugène Roman, « Tativille » jaillit d’un terrain vague de quelque 15 000 m2 situé à Joinville-le-Pont, dans les bois de Vincennes, à l’extrémité est du plateau de Gravelle, (ex-camp des Canadiens) entre septembre 1964 et janvier 1965. Cette ville-studio est aussi bien équipée que certaines villes nouvelles avec ses 50 000 m2 de béton, ses 4 000 m2 de plastique, ses 12 000 m2 de glace, ses rues bitumées, ses escaliers roulants, son drugstore et ses deux centrales électriques, dont la puissance énergétique cumulée pourrait alimenter une communauté urbaine de quinze mille habitants. Les bureaux de production du film et un studio de développement photochimique s’installent en périphérie de ce grand terrain de jeu bardé de rails et de façades d’immeubles montées sur roulettes. Un parc automobile de 500 places et une aérogare complètent la ville-studio qui accueille une centaine d’ouvriers pendant les cinq mois intenses de construction, période pendant laquelle Tati poursuit en parallèle ses essais de mise en scène. Des délégations venues du monde entier se déplacent pour visiter ce studio modèle, et le couturier Jacques Esterel y présente sa collection de printemps en 1966. »Vive les trompe-l’oeil !
« Parmi les nombreux personnages essaimés dans les plans larges de PlayTime, Tati glisse également des dizaines de silhouettes en carton grandeur nature, en fait des agrandissements de figurants photographiés. L’illusion n’est volontairement pas parfaite et reste une des trouvailles visuelles très fortes de PlayTime, ajoutant la confusion recherchée par Tati dans la multitude de détails dans le décor. »
La destruction de la ville !
« Les décors de « Tativille » s’avèrent extrêmement difficiles à manoeuvrer et la manipulation des lourds et fragiles panneaux en verre reste problématique tout au long du tournage. Comme les murs métalliques du décor risquent de renvoyer la lumière des projecteurs, Tati utilise des agrandissements de ces mêmes murs photographiés. Après plusieurs mois de retard, le tournage commence le 12 octobre 1964 dans le Orly tout juste reconstitué de Tati et s’interrompt presque immédiatement à cause d’une violente tempête qui endommage de nombreux éléments. Le tournage reprend en mars 1965 et se prolonge de façon sporadique, interrompu pendant l’été 1965 par de sévères perturbations météorologiques, puis par des soucis budgétaires récurrents. La production s’essouffle, menacée par les saisies ; elle est même parfois dans l’impossibilité de verser les salaires. Tati a pourtant anticipé une pratique qui se généralise ensuite en France à l’instar des États-Unis : le placement de produits. Il s’assure de l’apport en nature de grandes marques et reçoit pour son tournage des dizaines de voitures Simca 1500 du même gris, des centaines de paires de bas Vitos, des comptoirs de supermarchés Prisunic, des charriots métalliques Inno, des bouteilles de champagne Moët et Chandon en plus de constructions de stations-service et autres stands d’exposition. Ces parrainages commerciaux, non négligeables, ne couvrent pourtant pas plus de 10 % du coût de tournage ! Prévu à 2,5 millions de francs, le budget de PlayTime passe de 6 millions en 1964 à plus de 15 millions en 1967. Le tournage s’achève en septembre 1967, date à laquelle le décor est détruit malgré les demandes renouvelées de Tati auprès d’André Malraux, ministre de la Culture, pour en faire un studio de travail pour d’autres réalisateurs et étudiants en cinéma. » (Entre autres à cause de l’extension de la bretelle de l’autoroute A4). D’après la légende le cinéaste aurait jeté son scénario sous l’un des immeubles qui s’effondrait !