« Soixante Tours Eiffel, une douzaine de pyramides de Gizeh, trente tours de Pise, plus de quatre-vingt copies de la Maison Blanche… Les répliques de monuments se multiplient dans le monde entier. Entre investissements lucratifs, contrefaçons architecturales et lieux de tourisme modernes, ces copies sont des « miroirs » dans lesquels se reflète une certaine image de notre monde.
Ces lieux ont-ils quelque chose en commun ? En quoi sont-ils différents des répliques que nous avons pu connaître par le passé ? Sont-ils plus que de simples copies ?
De l’Europe à Dubaï, en passant par la Côte d’Ivoire et la Chine, ce documentaire décrypte les raisons politiques, culturelles et économiques qui motivent ces répliques architecturales. Architectes, sociologues et même habitants de ces lieux mettront en lumière les aspirations liées à ces constructions et à leurs valeurs symboliques. Un voyage dans une copie de notre monde. »
« Ce documentaire en réalité virtuelle explore trois « simulacres urbains » situés dans la périphérie de Shanghaï, inspirés par Paris, Venise et Londres. Leurs habitants nous font découvrir des quartiers à la fois factices et vivants, familiers et trompeurs.
Cette promenade architecturale est aussi une expérience sensorielle. Pour saisir l’essence de ces lieux, et surmonter le trouble qu’ils inspirent, il faudra déceler le vrai dans le faux, et le faux dans le vrai… »
Découvert à l’occasion des 18èmes Rencontres du cinéma documentaire 2013, par un froid après-midi de dimanche, « période et température idéales pour le voir » selon la réalisatrice voici quelques notes sur le film Hinterland.
« À soixante-dix kilomètres au sud de Berlin, installé dans une ancienne base militaire, un immense dôme métallique aux allures de vaisseau spatial abrite désormais un parc tropical saisissant. À travers la découverte de Tropical Islands et des multiples sédiments historiques sur lesquels il est implanté, le film propose une singulière mise en perspective d’un lieu avec son histoire, une archéologie poétique de notre rapport au temps, à l’espace et à l’illusion. »
Ayant l’idée du film suite à la lecture d’un article de Libération, Marie Voignier, réalisatrice « spécialiste » des sujets mêlants réel & fiction, tourna Hinterland en 2009.
Le décor est gigantesque et fascinant : imaginez 66.000 m2 de fausse mer à 30° (équivalent de quatre piscines olympiques) en face d’un ciel peint, un jardin tropical, des attractions, spas, restaurants, et tipis dans un énorme ancien garage à dirigeables; le tout au milieu d’une ancienne base militaire de l’empire soviétique de l’ex-RDA.
« Le paysage de Tropical Islands a été fait par les architectes qui ont dessinés Copacabana » dit fièrement le directeur marketing, tout comme l’attaché de presse excité par son nouveau poste dans l’entreprise de loisir qui vante l’authenticité de morceaux de décor construits par des ouvriers venants de Bali.
Dans sa note d’intention la réalisatrice précise : « C’est un produit de loisir d’aujourd’hui où, derrière le décor, se cache un travail énorme pour élaborer cette impression de voyage et de liberté. Mais l’exotisme scénarisé de Tropical Islands est une accumulation de pastiches, de simulacres au sens platonicien : la copie à l’identique d’un original qui n’a jamais existé. »
Nous voyageons de manière fluide dans l’espace et le temps : les ruines des logements de l’armée russe (qui doivent beaucoup plaire aux explorateurs urbains), une vidéo de la construction du Dôme qui n’a en fait jamais servi de hangar, la société de portage aérien ayant fait faillite…
On a du mal à imaginer le fort trafic aérien militaire tant le silence règne sur la base de loisirs. Chose assez étonnante pour un espace clos où les visiteurs doivent s’amuser, rire, s’éclabousser. Mais le public du parc n’aura pas la parole, ses réactions n’est pas ce qui intéresse la réalisatrice.
Le film de Marie Voignier évoque « le rapport à l’autre, complexe dans cette région connue pour sa xénophobie« , dont l’explication tient peut-être à la présence de l’armée russe non acceptée par les locaux. Plus qu’un « Center parc » c’est « une idéologie très forte, qui veut réécrire l’Histoire« .
Le directeur marketing explique ainsi que « Tropical Islands sert à la lutte contre la xénophobie, construit sur un ancien aéroport, symbole de la grande entente mondiale« .
La réalisatrice confirme : « Il écrit sa propre mythologie, il se coupe lui-même la parole mais c’est trop tard : il s’est dévoilé« .
Krausnick, la ville à côté du Dôme, est dénommé Tropical Islands et inversement, ce sont deux anciennes du village qui le disent. L’Hinterland (littéralement l’arrière-pays) qui attire travailleurs comme touristes polonais est passé « d’une conception du monde à une autre ».
En 10 jours de repérage et deux semaines de tournage, Marie Voignier, rend compte d’une réalité d’un défi économique et touristique risqué fondé sur les cendres chaudes des aléas de l’Histoire de l’Allemagne de l’après-guerre.
L’Ange de l’Histoire de Paul Klee décrit par son propriétaire le philosophe Walter Benjamin comme « ayant le visage tourné vers le passé » est bien la figure que nous voyons sur un ballon à l’intérieur du Dôme. Symbole résumant bien l’intention de réalisation : regarder le passé authentique d’une région pour mieux comprendre l’hyper-réalité d’un faux jardin d’Eden tropical.
« …und du fühlst dich gut » (et vous vous sentez bien) est le slogan de Tropical Islands, qui résume bien notre état suite au visionnement des films étonnants et fins de Marie Voignier.